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Boire de l’alcool avec une paille : entre mythe et réalité

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On entend souvent raconter ça et là que le fait de boire un verre d’alcool (qu’importe le type d’alcool) rend plus vite ivre. La question de la paille fait partie des classiques des réunions conviviales. Les rapports d’autotests apportent non seulement des résultats différents, mais aussi des explications variées. Que savent vraiment les scientifiques sur les effets ?

L’explication la plus connue

En effet, cela semble logique : l’alcool que nous sirotons à travers une paille se répartit mieux dans la bouche et parvient plus rapidement dans la circulation sanguine via la muqueuse. Il est clair qu’il déploie ainsi son effet enivrant beaucoup plus tôt dans le cerveau. Le taux d’alcool dans le sang devrait donc être plus élevé que si l’alcool avait d’abord atterri dans l’estomac et l’intestin.

Selon l’explication la plus connue du phénomène, l’alcool, aspiré par la paille, reste plus longtemps en contact avec la muqueuse buccale. Cela aurait un avantage décisif : l’alcool peut passer directement dans le sang via la muqueuse de la bouche. Dans l’estomac, les enzymes décomposent sinon une partie de la substance. La portion qui poursuit son chemin jusqu’à l’intestin grêle doit en outre passer par le foie pour le contrôle des toxines. Seule la partie qui n’est pas triée à ce niveau est transmise par la circulation sanguine à l’ensemble du corps et au cerveau, où se produit l’ivresse.

En théorie, c’est tout à fait envisageable“, explique le Dr Alexandr Parlesak, nutritionniste à l’université de Hohenheim. “Mais il n’existe aucune étude qui le prouve“.

De la théorie aux faits

Il n’existe pas d’études scientifiques sur la question de savoir si boire à la paille rend plus vite ivre“, explique Michael Musalek, directeur médical de l’Institut Anton Proksch à Vienne, l’une des plus grandes cliniques d’addictologie d’Europe. Mais l’anatomie contredit la théorie courante de la paille. Selon Musalek, le corps ne peut absorber que de faibles quantités d’alcool via la muqueuse buccale.

C’est ce que montrent les proportions : La muqueuse de la bouche ne mesure que 0,02 mètre carré. La muqueuse de l’intestin grêle, par laquelle l’alcool est transporté dans la circulation après avoir été avalé, est 10.000 fois plus grande, avec jusqu’à 200 mètres carrés – presque aussi grande que la moitié d’un terrain de basket-ball. “L’effet obtenu par l’absorption à travers la muqueuse buccale est donc négligeable“, explique Musalek.

La vérité est ailleurs

Il existe un autre mécanisme qui pourrait être à l’origine de ce mythe qui voudrait que l’on soit plus vite ivre en utilisant une paille pour boire. “L’esthétique joue un rôle important lorsqu’on boit“, explique Musalek. Boire une mesure, par exemple, peut être assez difficile, car le verre est lourd, grand et peu maniable. “Il faut faire attention à ce que la moitié ne passe pas devant la bouche“. En conséquence, on boit plus lentement. Une étude montre également que la forme du verre influence la vitesse de consommation.

Verre de froment
Verre de froment

La piste de la forme du verre

Des chercheurs britanniques ont fait boire de la bière à près de 160 personnes dans le cadre de deux expériences :

  • l’une dans des verres de froment,
  • l’autre dans des chopes de bière.

Les buveurs disposant de verre de froment ont vidé leur bière 60% plus rapidement que ceux qui avaient bu leur bière à la chope. Les chercheurs expliquent ce phénomène par le fait qu’avec un verre de froment, les testeurs avaient plus de mal à estimer quand il était à moitié vide. Les personnes testées n’auraient eu l’impression d’avoir atteint la moitié que plus tard. Ils auraient par conséquent entamé leur verre plus souvent.

La piste de la vitesse

La vitesse est également déterminante pour boire avec une paille. “L’aspiration rend la boisson facile et produit une sensation agréable dans la bouche“, explique Musalek. C’est pourquoi on prend souvent plusieurs gorgées à la suite. “On boit également plus rapidement et on est donc plus vite ivre“. La vitesse de consommation est en outre favorisée par la forte teneur en sucre des cocktails, qui sont typiquement servis avec une paille. Le sucre masque le goût de l’alcool à haute teneur en alcool et incite à continuer à boire.

La piste pyschologique

D’ailleurs, la psychologie joue un rôle important dans l’effet d’ivresse de l’alcool. Les personnes convaincues de boire de l’alcool ont tendance à se sentir plus ivres. Lors d’une expérience réalisée en 2003 (ça date un peu certes, mais ça reste une étude sérieuse), des scientifiques ont offert des boissons gratuites à près de 150 étudiants. La moitié du groupe a été informée qu’elle buvait de la vodka tonic, l’autre qu’elle avait du tonic sans alcool dans son verre – en réalité, aucun groupe n’a reçu d’alcool. Pourtant, les étudiants censés boire de l’alcool se sont comportés de manière excitée : les garçons ont commencé à flirter avec l’une des scientifiques, les filles se sont mises à gigoter. Même lors d’un test de mémoire, le groupe prétendument alcoolisé a obtenu des résultats nettement moins bons.

“On ne peut pas dire de manière générale à partir de quelle quantité l’alcool est nocif”, explique Musalek. Il est possible de retarder l’ivresse en mangeant suffisamment. Le corps a alors plus de temps pour décomposer l’alcool dans l’appareil digestif. En revanche, l’intestin absorbe plus rapidement l’alcool lorsque la boisson contient du gaz carbonique. “En principe, toute ivresse peut causer des dommages”, explique Musalek. L’expert recommande donc de déguster les boissons alcoolisées en toute connaissance de cause. “On ressent alors à temps l’effet narcotique”, dit-il. “On se sent fatigué et on renonce automatiquement au deuxième verre”.

La conclusion

Boire à la paille ne permet pas à lui seul de s’enivrer plus rapidement. Cependant, cela augmente généralement la vitesse de consommation et donc l’ivresse. Il est donc préférable de faire quelques pauses et de profiter plus longtemps de la soirée cocktail.

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